jeudi 7 avril 2016

Labourd-Basse Navarre : Les croix pastorales d'Artzamendi


Certes, cet article ne présentera rien d' essentiel pour la connaissance du massif d'Artzamendi-Mondarrain (classé au réseau Natura 2000 pour un certain nombre d'espèces végétales ou animales protégées en 2014) ,il ne rapportera rien ,non plus , en terme d'incidence économique directe.
Il se voudra simplement un témoignage sur une époque révolue, avant  oubli complet et définitif dans la mémoire collective.
Après avoir cherché des témoignages de connaisseurs du Massif ou d'habitants des communes de Bidarray et d'Itxassou ,il fallut se rendre à l'évidence d'un désinteret total sur le sujet et  recommencer le travail de collecte depuis quasiment zéro.Seul P. Badiola avait entrevu un menhir croisé ,mais l'avait interprété comme une limite frontalière .(cf revue Jakintza "spécial Itxassou" 2012)

Cet article contribuera , j'espère , à répandre un peu d'humilité chez les sportifs arrogants et les acteurs du tourisme sans limites  , qui nous font croire , à coup d'articles rédigés par des attachés de presse , de reportages TV , ou de pompage sur Wikipédia , qu'ils ont inventé le Pays Basque , qui aurait été créé il y a 40 ans ou pour les plus ignares d'entre eux, qui ne date que de 2014 .

La marchandisation actuelle de l'espace montagnard est une aubaine due à l'abandon des pratiques agropastorales ancestrales et ces chers acteurs pensent que seul l'ultra tourisme de masse pourra sauver les estives en cours d'abandon en Labourd et en Basse Navarre .
La montagne n'est donc devenue qu'un terrain de jeu ,un stade pour les urbains en quête du rêve des Grands Espaces.

Ils en profitent ainsi pour apporter et semer ,en altitude, les  contraintes et les fantasmes de cette civilisation  urbaine avec ses turpitudes cent fois renouvelées .
(mécanisation des loisirs ,course à la rentabilité et à la productivité ,le temps étant pris comme l'unique référence ,massification des épreuves sportives , pose de balisages permanents ....).
La mécanisation des loisirs perdure .Les rencontres avec des 4*4 ,quads ou motos "vertes" ,qu'on croyait éloignées par les arrétés de classement de protection , se sont accentueés ces dernières années sous l'effet des restrictions budgétaires affectant le réseau de surveillance de l'ONCFS.
Un rallye automobile s'est même invité en avril 2016 au coeur de cette cathédrale du silence.

Les "collants-pipettes" ou "pepittoak" ,nous n'en doutons pas , auront vite fait de remplacer les bergers dans  le dur labeur d'entretien des chemins ou la restauration du petit patrimoine .
Vu la générosité avec laquelle nos élus laissent filer les subventions à leurs attentions ,le résultat devrait être à la hauteur.
(65 000 euros pour rebaliser 5 chemins PLR en Baigorri en rouge pour une stationdetrail.com)


Le Pays Basque perd peu à peu la connaissance de son Histoire et certainement un peu de son âme ,pour renter dans la civilisation de la mondialisation , de l'économie globale et des raccourcis du folklorisme à travers la civilisation des loisirs et du tourisme.
Le "Pays Basque de Ramuntxo" a encore de beaux jours devant lui et les organisations festives pourront toujours le vendre à travers ces relais officiels et institutionnels (OT ,CdT ,presse,..). Ah qu'il est plus facile de feter en ville ou village ,les éléments de la gastronomie "locale" que de mettre en valeur les antiquités et patrimoines qui habitent nos montagnes.

Prenons conscience que les paysages d'hier n'ont rien à voir avec nos paysages actuels.

Les espaces montagnards étaient aussi réglementés que ne le sont nos espaces urbains actuels .
Ici pas besoin de clôture ,de grillage ,de feux rouges .

Fontaine ,source ,borde ,arbre remarquable ou églantier isolé ,pierre naturelle ou borne façonnée, constituaient autant de marqueurs de la gestion de cet espace.

Les utilisateurs connaissaient ces règles de vie des libres parcours que les bergers apprenaient dès l'age de douze ans pour la conduite de leurs premiers troupeaux.
Les cadets ,le plus souvent , régnaient sur ces territoires pastoraux,loin des yeux des maitres de maison qui les opprimaient en ne leur laissant aucune initiative sur l'Etxe ou l'Oustau .
(Etxe : institution complexe représentant la maison stricto sensu ,le droit de délibérer en cour générale,le droit d'admettre d'autres Etxe dans le finage de la vallée ou du village ,le droit de devenir juge ,le droit d'avoir une place marquée au cimétière ou l'église....)
D'autres cadets étaient employés aussi par les ordres de St Jean de Jérusalem  (Bayonne) ,les prémontrés d'Urdax ou les Augustins de Ronveveaux.Ces ordres se sont livrés à une guerre sans merci poir la conquête des espaces pastoraux dès le Haut moyen Age.

les cadets  prenaient possession des espaces dès les montées en estive. 
Leur savoir faire sans égal a été la clef de la conservation et transformation de ces paysages montagnards .Il a assuré la survie économique des fermes de la plaine ou des ordres religieux par les revenus directs ,les dimes .
Ces espaces seront fragilisés s'ils ne deviennent que des lieux à usage touristique .La biodiversité y perdra surement.

On a toujours entendu des histoires de chicaneries ou de disputes en montagne,
"les guerres oubliées" selon la formule de Christian Desplat .

Mais les faceries ,les compascuités ,les lies ,le carnal (ou carnau) et les droits de carnalage ,les dimes ,les taxes diverses et variées , les usages de "sol à sol" ,les bustalizas ,les sarois ,les bordaldes ou les kortak ,la Mesta , les possessions des ordres religieux ou les actes notariés avaient bientôt fait de réglementer tout  ce petit monde pour assurer la paix et la sérénité  sur ces lieux ouverts .
L'armée ,les gardes foraux  ou royaux ,les douanes et contributions infirectes firent aussi le ménage dans les hauteurs.

Aujourd'hui que nous reste il, sur le "plateau vert" d'Artzamendi ,entre Gerasto et Meatse ,entre Bidarray et Itxassou ,entre Basse Navarre et Labourd .??
Outre quelques bergeries retapées par des fervents descendants de bergers ,
des ruines de bordes ,des espaces qui se referment avec la végétation altanto-océanique de la zone intermédiaire (landes ,ajoncs ,genets ,bouleaux ,..) ,
Quelques sentiers entretenus par des fervants randonneurs ,chasseurs ou éleveurs ,
Quelques cromlechs ayant échappé au massacre des pelles mécaniques ou des voleurs de pierre de grès.
Avant complète disparition ,il nous reste à connaitre et inventorier ce petit patrimoine dont les bornes pastorales sont des signes de délimitation de ce vaste lotissement agropastoral que constituait  le massif d'Artzamendi.

Ces croix ,situées sur ce que la modernité malencontreusement a appelé le "plateau vert" ,nous rappellent que les montagnes étaient ,avant tout ,des lieux de travail ,d'échanges économiques et surtout des lieux d'Histoire.
(ces endroits étaient classés en herms communs ,forêts en défends (betat) ou ouvertes)
A cette époque, écobuage signifiait défrichement avec une bêche-fourche du nom d'écobue (pikotzea en euskara) .
Mettre le feu en montagne (ou brulis) était un acte réprimandé et puni , appellé clairement incendie .
Le petit cheval ou pottock était interdit de paturage.
Malheur aux fraudeurs ou aux délinquants ainsi nommés dans les PV de délibérations syndicales ..

Quelques chèvres ,bien gardées ,étaient tolérées au milieu des troupeaux.
Elles étaient interdites surtout dans les  "bedats" ou "vétés"  ,qui étaient surveillés par les nombreux gardes garants de ces défends en forêts privées ,royales ou communes.
(on ne dit pas, à cette époque, communales)

Des grands troupeaux de cochons faisaient route entre les  vastes forêts royales du royaume de Navarre .
La domination de l'élevage ovin n'était pas encore affirmée.
Le fromage était une denrée rare .

Le  travail de récupération de cette mémoire historique ne fut possible que grâce à l'utilistion des technologies satellitaires GNSS ,de numérisation et scannage, d'utilisation d'un SIG  et d'un logiciel CAO-DAO, de transformation des systèmes de coordonnées (Bone-CC43) ,
bref de tout un attirail de belle technologie et de maniable technicité.
Mais les résultats ont été au rendez-vous .

Les cisailles ,les rateaux ,la chance surtout ,les coupes-coupes nous ont beaucoup aidés.
Ce furent de grands moments de suspence ,de perspicacité et d'amitié aussi....
Un article plus détaillé sera édité d'ici quelques mois dans la RMB ou la RIEV .

L'emplacement des premières croix doit dater de la période 1240.
Elles ont été, pour la plupart, rénovées au XIXème .
Nous nous trouvons là sur l'ancienne limite entre Navarre et Angleterre, à l'époque d'Aliénor ,quand fut signé le traité des limites entre Simon de Monfort et Sanche ,le navarrais.
La plupart des bornes sont doublées par des rochers caractéristiques en quartz blanc ,dur à graver.
Un menhir est utilisé dans ce bornage ,croisé,il peut être daté du néolithique.(-2000 aJC)


Bibliographie à lire et relire pour une bonne compréhension de la montagne basque par des maitres de la discipline.
1 JB Orpustan
a-"la forêt royale d'Ossès"  (la vallée d'Ossès -ouvrage collectif -Izpegi editeur)
b- Histoire et onomastique médiévales- L'enquête de 1249 sur la guerre de Thibaud I de Navarre en Labourd (revue du CNRS Lapurdum 2-1997)
2 Eulogio Zudaire Huarte :
a- Facerías de la cuenca Baztán-Bidasoa 1967 Viana 28-106 p 61-96 et 1967 vol 28-108 p 161-241
 b- Contingencias fronterizas Baztán-Bidarray cuadernos de Etnología y Etnografía de Navarra (CEEN) 1993 Volumen 25 Número 62 Página 204 - 217
3 Michel Duvert :
a-KOBIE (Serie Antropología Cultural). Bilbao Bizkaiko Foru Aldundia-Diputación Foral de BizkaiaN.º XI, pp. 225 a 314, año 2004/5.ISSN 0214-797 l BORDES, PEUPLEMENT ET HABITAT AU PAYS BASQUE NORD Bordas, poblamiento y habitat en el País vasco francés
b-revue ikuska 2015 : essai sur l'habitat en montagne : St Michel
c-sel, saroi et bordaldes ,les espaces circulaires , sur le site web de Lauburu (indispensable)
4- Claude Dendaletche RMB 1974 les constructions pastorales d'Artzamendi
5-Samuel Leturcq : Territoires agraires et limites paroissiales in Mediévales 2005
6-Nekane Vizcay Urrutia Uso y ocupación del medio natural: un análisis de las
bordas en el valle de Erro y Auritz/Burguete in Cuadernos de Etnología y Etnografía de Navarra (CEEN), 84 (2009), 181-345
7-Général Gaudeul (travaux sur Artzamendi) références inconnues -descrption d'une gravure polymorphe
8- Travaux de recensement des 150 roues de moulins sur Artzamendi (collection privée)
9- Danielle Lassalle Berger basque -berger pyrénéen 2015-Elkar edition





dimanche 3 avril 2016

raquettes en Soule

Petite randonnée en rkt en terre de Xiberoa.
Le crête qui départage les communes de St Engrâce (Santa Grazi) et Larrau (Larraine) est un lieu tout à fait adapté à la pratique de cette activité.Le point de départ ,selon la saison ,sera conditionné par l'altitude de la neige.En général ;les départs se prennent entre 950 et 1200 m .
La route de Maniolakoborda n'est pas déneigée systématiquement .
Notre objectif , qui était de  parcourir intégralement cette dorsale ,fut  contrarié par le vent du Sud intense qui fit son apparition dès midi ce jour là .Les rafales à 90 km/h ne nous permirent pas de dépasser Izeytto , troisième sommet de la dorsale.
quelques photos viendront graver les souvenirs de cette journée.
carte Ign :Arette ,Larrau