dimanche 9 mai 2010

Urepel Mendihaundi Burguete Roncevaux Urepel

Urepele Mendihaundi Auritz Orriaga Lindus Urepele

En montagne humanisée d’Euskal Herria, vous partez pour une randonnée
L’esprit libre et serein et vous revenez plein de souvenirs, encombré, expectatif ,
qui vous remettent  en question vos savoirs et vos certitudes.

 Nous étions ce jour sortis sur les chemins de Kintoa, dont je me régale à découvrir , comme je m'étais passionné jadis, pour ceux de la rive droite de la vallée d'Urrizate ou ceux du Jaizkibel, il y a dix ans.

On sent ici un parfum d'aventure.

Sur quelques kilomètres carrés ,les cartes sont bien vides et donnent l'impression d'une "Terra Nullae".
"Ce qui est intéressant pour le cartographe, c'est le blanc", disait une copine,
"C’est l'endroit, où, sur, il doit se passer quelque chose".

Je peux ainsi le vérifier au fil des sorties "in situ" , au fil de l'eau dans ce coin  reculé de Navarra.
J’ai édité pas mal de tracks sur la zone d'Urepel-Kintoa et ne suis toujours pas rassasié d'y trouver encore quelques liaisons oubliées.
C'est pour cette raison qu'en ce moment , nous fouillons dans les coins et recoins des vallées d'Urtarai et d'Aldaparriko erreka pour y trouver quelques "chainons" manquants ,le plus souvent des anciens chemins de charbonniers.

Aujourd’hui départ donc de Bihurrietabuztan (Urepele) par le chemin neutre de Baztan à Burguete.
Montée par le désormais classique "chemin d'Espinal" avec encore quelques petites variantes :
en dessous de Beraskoain et à proximité de Txasperroko etxola.
Coté fleur, l’éphémère menocopsis du Pays de Galles a fait son apparition depuis quelques jours dans ces sous bois aux hêtres opulents.
Cette fleur de la famille des papaver est d'une discrétion absolue puisqu'une semaine, plus tard, la neige aidant, elle aura disparu.

Le temps annoncé  clair, par la météo, au moins le matin, passa très vite au brouillard complet.
Heureusement que quelques barbelés posés par ci, par là guidèrent nos pas sur les flancs de Menditxipi.
Mendihaundi est gravi sans joie.
Un essai à Lupuzuri.
Mais, dans cette purée, rien d'intéressant à espérer.

Arrivés à Alotzi ko lepoa, il fallut s'y contraindre. Il n'y aurait pas de jour grandiose.

L’inversion thermique en cours provoquait un brouillard de précipitations et bouchait tous les horizons.
Nous nous trouvions au cœur d’un de ces jours qui statistiquement fait augmenter autant la pluviosité ou la nébulosité, que le taux de dépression nerveuse ou l'envie de finir au restaurant.

Nous décidâmes de bifurquer sur Burguete et Roncevaux (Auritz eta Orriaga):
Suivant le ruisseau aurifère d’Urre Unerreka , traversant les bois d'Antufa et d'Abrau , passant le pont d'Ansobi au niveau du tracé du chemin SL NA-46, nous gagnâmes Burguete par la plaine de Txardinsaro.

Un peu de culturel et de religieux dans nos sacs à dos et nos brodequins....

Visite de Burguete.
Un des plus hauts villages d'Euskal Herria.
900m.
Village-rue aux maisons relativement récentes.
On le comprendra ensuite.
Elle fut réduite en cendres en 1399,
Puis elle souffrit d'être passée dans le camp des Agrammontes,
elle se releva difficilement de l'incendie des troupes napoléoniennes au moment des guerres de la Convention (24 juillet 1794).
Une fois reconstruite
Un nouvel incendie accidentel en 1852 ruina une vingtaine de maisons.
Un bon tiers du village.

Burguete fut longtemps appelé Burgo de Roncesvalles ou Burgo de la Plana.
L’origine de burgo c'est "petit château", en grec, Pyrgos.

C’est aussi l'occasion en visitant son mur à gauche de s'extasier sur les fameux traits de Jupiter avec clefs qui permettent le soutien de cette large toiture dans une zone de montagne où sévissent de fortes
précipitations de neige et donc des puissantes contraintes mécaniques.
C’est l'œil du compagnon-charpentier qui guida notre réflexion.
Le sol de cette place (plaza) est un des derniers à dalles jointées du Pays Basque.
Un travail d'orfèvre !!


Visite de rigueur au portail de l'église et à l’estaminet local.
En quittant le village, pénétrant dans le bois de Sorginaritzaga,"la chênaie des sorcières», une croix guide les pas du marcheur et du pèlerin.
Ce lieu aujourd'hui christianisé, se trouvait être le rendez vous des akelarre de la région d'où neuf personnes furent emprisonnées au XVI siècle.
En ce domaine aussi, Burguete fut un village martyr.
Sorcières et  démons apparurent quand on commençât à les nommer aux XVI et XVII siècles.
Superstitions, traditions ancestrales, cultes solaires, rigorisme religieux et conflits politiques expliquent en grande partie cette époque tragique qui s'est terminée dans de grands bains de sang.
Les inquisiteurs poursuivaient sans relâche y compris en utilisant l'auto-suggestion, la psychose collective ou la dénonciation, tout ce qui pouvait ressembler à des sabbats ou exercices d'exorcismes, sorcières ou démons.
Balanza, surnommé aussi le "Torquemada de Navarra", s’en est donné à cœur joie.
Entre 1525 et 1569 il sévit en Haute Navarre et on ne compte plus les procès à son actif.
Aezkoa,Izaba et Erro se rappellent encore de ce personnage équivalent en Iparralde à De Lancre.

En point d’orgue, le 16 juin 1525, il fit bruler en place de Burguete cinq sorciers revêtus du San Benito, robe de bure qu'on pendait ensuite dans les églises pour "rappeler leurs péchés".
A partir de 1575, ces perquisitions cessèrent sous l'impulsion des chanoines de Roncevaux qui se mirent à défendre les accusés et donc à obtenir leur absolution.

Après la traversée du bois, nous voici maintenant à l’abbaye de Roncevaux.
Personnellement ce fut mon premier souvenir du Pays Basque vers 1960 avant même le tourisme balnéaire.

Un lieu où les Histoires de la Navarra, de l'Eglise, de la France et d'Euskal Herria se sont télescopées.
Roncevaux raisonne depuis le Moyen-Age des sons d'une légende et d'un univers onirique.

C’est un aussi des grands jalons du pèlerinage de Compostelle.
Il ne se réduit pas à l'histoire de son hôpital, ses serviteurs et ses bâtiments.

Ronsas Valls nait au défilé tragique où Roland, prince des marches de Bretagne, paladin de Charlus Magnus, empereur d'occident,y trouva la mort le 15 aout 778, victime des armées des fils de Vasconia.
La nouvelle ne tarda pas à résonner aux confins du monde chrétien.

La chanson de gestes, pièce littéraire née deux siècles après la déroute, portant toutes les angoisses et hantises du Moyen Age, fut transmise par tout ce qui compte de troubadours, trouvères, bertsularis... pour lancer l'économie autour du pèlerinage, sans oublier la reconquête (Reconquista) du sud de l'Espagne à terminer.
Elle fait partie de l'inconscient du monde européen.

Quand on est à Roncevaux, le mystère continue de perdurer.
On y trouve pèle mêle le silo, l’échiquier, la chapelle de Charlemagne,
La fontaine, l’ancienne croix (disparue), les masses de Roland (Roldan).
Tout le légendaire est ici en représentation.

Même Cervantès le poète du siècle d'or,
Y lâcha quelques vers perfides

mala la hubisteis ,franceses
La caza de roncesvalles
Do carlos perdio la honra*morieron los doce pares
.......
Non pudieron ocultare
La mancilla que en su frente
finca sellada con sangre
......
Que tantas gentes trujeron
E nenguna se llevaron.

Vous l'avez bien mauvais français, cette chasse de Roncevaux où Charles perdit l'honneur, avec la mort de douze pairs, ils ne purent cacher la tache sur le front, fixée, scellée avec la sang, que tant de gens tombèrent et aucun ne se releva.

Roncevaux, ce lieu aux 26 dénominations, c'est le creuset d'une quadruple célébrité,
La bataille de 778, le grand hôpital de pèlerins dès 900 mais ensuite rebâti en 1130, l’apparition d'une vierge et sa légende dorée connexe , la sépulture des rois, évêques et magnats de Navarra dont la plus célèbre date de 1912 alors que l'on la croit du XII siècle.
(Chut,sinon crime de lèse majesté)

Fondé vers 1130 par l'évêque de Pampelune, Sancho de Larrosa et le célèbre roi Alphonse le Batailleur, roi d'Aragon et de Navarra, l'ordre des hospitaliers militaires fut un des plus important et des plus riche d'Europe.
Pilier du royaume de Navarra, il comptait au XV siècle, 500 moines, 20 000 séculiers (moines soldats),72 chevaliers commandeurs.
Possessions, propriétés, châteaux, villages couvraient l'Europe.
En France ils administraient 45 hôpitaux, le château de Samatan à coté de Lombez leur appartenait.
Au cours de nos pérégrinations combien de fois n'avons nous pas croisé, incrustée dans quelques bornes de propriété ou sur des linteaux de façades, la croix crossée de la collégiale, symbole que l'on retrouve aussi sur le blason de Bidarrai.

Le domaine d'Artikutza et ses 3700 hectares, en Navarre, était ainsi une de leur propriété.

Dans les 26 noms qu'a porté l'abbaye,au cours de son histoire, on retiendra :
Roscida Vallis, Rencelvals (dans la chanson de Roland),
Rescesvals,Runcevallis,Roncevall,Roncisdevallis,Rozavalles,Roncisvallis,....
Le basque n'est pas, en reste, hésitant entre Orreaga (lieu des genévriers) et Orriaga (de Elorri aga : lieu des ronces).
Là haut le genévrier est rare.
Question bien épineuse que son appellation.

Des pèlerins frigorifiés attendaient leur tour d'être reçus.
Aujourd’hui Roncevaux ,étape obligée, est aussi une des plus couteuse tant sportivement que pécuniairement.
Connaissent-ils le règlement du XVI siècle qui stipulait qu'ils devaient
"chacun recevoir un pain de 16 onces, demi-pinte de vin, bonne pitance de soupe et viande et les vendredi, dimanche et carême
Sardines, œufs et laits les remplaceront, et qu'une ration suffisante de fromage devra fermer le repas".

60 000 rations annuelles étaient fournies pour 30 000 passages.
Les malades pouvaient rester jusqu'à complète guérison.

Tout est fermé à cette heure.
Point de temple collégial, de palais de la vierge.
Le cloitre, le panthéon des rois et la salle capitulaire attendront.
On n'aura droit qu'au Silo de Charlemagne, l’église du St Esprit et la croix des pèlerins.

Et le trésor dans tout cela ??
Nenni. Fermé.
Car l'intérêt de Roncevaux est bien là.
Et mes camarades d'ouvrir grandes leurs écoutilles.
Le coffret gothique-mudéjar en filigrane d' or du XIII, la Pixis ou caisse de Charlemagne du XI, le reliquaire en émail ou échiquier de Charlemagne, la petite image de la Vierge, les Saintes Épines, la croix de cérémonie de Valencia, les masses du roi Sancho el Fuerte, la Madonna de Morales el divino et surtout, là, on s'étranglera, un triptyque attribué à Jérôme Bosch "el Bosco" ,l'auteur du fameux Jardin des Délices,qu'on ne verra jamais ainsi que des dizaines d'œuvres d'orfèvrerie et autant de livres anciens jalousement mis à l'abri des regards et qui entretiennent les mystères.

La pluie a cessé. Nous remontons sur Gerizu ; nous nous perdons un peu avant de rejoindre le col d'Ibañeta.
C’est l'occasion de passer à travers une station de scilles lis-jacinthes impressionnante.
Par millier, dans ce sous bois de hêtres, poussent ces fleurs à la couleur sensuelle.

Nous reprenons notre route vers le col de Burdinkurutxeta.
Nous visitons d'abord la redoute de Trona, pendant méditerranéen de celle du Lindus l'atlantique et grande oubliée des historiens.
Elle date des guerres de la Convention comme sa jumelle d'en face.
Aujourd'hui elle recèle une des plus importantes colonies de Bombus jonellus, espèce très rare de bourdon butineur qui officie dans les landes et les pousses de myrtilles; cet insecte trouve ici un écosystème d'une grande complexité en particuliers au niveau du régime des vents et des pluies dominantes, ainsi qu'il s'exonère de la gêne des reboisements et des brulis en bordure des forêts.

Maintenant c'est Lindus.
L’autre redoute.
Buzon et bornes géodésique et frontalière.
Siège aussi des campagnes d'observation des migrations de la ligue des oiseaux (LPO).
 Nous rentrons par le versant d'Urtarai.

J'ai déjà parlé de la problématique des mines phéniciennes, grecques ou romaines dans l'article sur Lupuzuri.
Un peu avant Bihurrietabuztanenea, nous pouvons observer les restes d'exploitations antiques ainsi qu'au niveau de la vallée des haldès et terrils qui en résultaient.
Lecture de paysage quand tu nous tiens.

Nous en avons terminé pour aujourd'hui.
Nous devons revenir prochainement pour l'étape 4 du tour de la vallée de Baigorri.(BAIGORRITZULI)
Dès le premier rayon de soleil, la motivation reviendra.
Aujourd’hui intermède culturel en Pays basque.
C’est ainsi que j’aime ces montagnes humanisées et pleine d'histoires.
ORAIN,ARGAZKIAK....
bois du Kintoa

































  méconopsis du Pays de Galles (au dessus)

entre Kintoa et Burguete

































                                            
































scille lis-jacinthe

assemblage en trait de Jupiter avec clefs ,au mur à gauche de Burguete
 mur à gauche à  sol dallé
Burguete :tympan de l'église
Burguete : linteaux et datation des maisons
 Burguete :croix de Sorginaritzaga
vers Roncevaux/Orriaga

Roncevaux:silo de Charlemagne
Roncevaux:vue de l'abbatiale

 la redoute de Trona voisine celle du Lindus à quelques hectomètres
redoute de Trona et ses landes, refuge du Bombus Jonellus
redoute de Lindus depuis celle de Trona
Lindus en son centre ,départ de la ligne Caro-d'Ornano
une sacrée équipe
Urtarai
paysage de mines antiques
 anciens terrils et haldès
drôle d'oiseau sur Urtarai
fin de parcours
restitution en 3D (orthophoto gobierno de Navarra ; Modèle Numérique de Terrain STRM Nasa ;fond IGN 25k Spain)
profil avec Compegps
Odométrie : 29.33 km et 1180m de dénivelé. TPS : 8h30 avec longs arrêts.




3 commentaires:

mikel.dalbret a dit…

agur t'erdi mendizale ohoretxuak
Chaque semaine je déguste les commentaires et savoure les photos de vos randonnées. Benat quel poète ! En ce qui concerne Orreaga je pencherais pour elorriaga, lieu d'aubépines, les aubépines blanches étant fort répandues dans le coin et, je pense, plus communément utilisées pour désigner ces lieux que les ronces que l'on déclinera en laharraga qui nous donne le patronyme Laharrague. Je ne suis pas linguiste j'emets des suppositions.
Agur deneri. mikel.dalbret

Anonyme a dit…

oh,oui!!!sacrée équipe, et Benat, toujours des commentaires,un vrai poéte et on a envie de faire parti de l'équipe,mais ce compte rendu sur le net est une mémoire vive ,le progrès a du bon ,félicitations aux marcheurs et à l'écrivain ,SZ ....CASTELNOU

Anonyme a dit…

LA SCULPTURE DU ROI SANCHO EL FUERTE(à Roncevaux)EST DU XII SIÈCLE,la tombeau a été placé dans la salle capitulaire du cloître en 1912.